Label "Ville à Vélo du Tour de France" 2025 : 189 villes labellisées !

Et si c'était elles...III/IV

Sur la quatrième édition du Tour de France Femmes avec Zwift, les regards et les caméras seront essentiellement braqués vers une poignée de championnes que le destin appelle sur le podium final ou qui l’ont déjà fréquenté. Derrière les VolleringNiewiadomaLopeckyVan der Breggen ou Ferrand-Prévot, de nombreuses coureuses ont déjà commencé à percer en allant chercher des résultats remarqués par les spécialistes comme par les rivales avec qui elles auront à livrer bataille cet été. Elles ne seront pas nécessairement en jaune cette année, mais le site officiel du Tour de France Femmes avec Zwift propose de découvrir quatre femmes en pleine ascension vers les sommets, à des stades divers de leur progression, pourquoi pas capables de briller ponctuellement ou durablement entre la Bretagne et les Alpes. La Française Dilyxine Miermont, la Néerlandaise Puck Pieterse, la Mauricienne Kim Le Court et la Néo-Zélandaise Ally Wollaston ne comptent pas faire de la figuration. 

16/08/2024 - Tour de France Femmes avec Zwift 2024 - Etape 6 - Remiremont / Morteau (159,2 km) - LE COURT DE BILLOT Kim (AG INSURANCE - SOUDAL TEAM)
16/08/2024 - Tour de France Femmes avec Zwift 2024 - Etape 6 - Remiremont / Morteau (159,2 km) - LE COURT DE BILLOT Kim (AG INSURANCE - SOUDAL TEAM) © A.S.O./Charly Lopez

Kim Le Court-Pienaar : « J'ai tellement faim que je veux goûter à tout »

Il y a deux ans, Kim Le Court-Pienaar n'osait pas se rêver chez les pros, encore moins gagner une étape du Giro et Liège-Bastogne-Liège Femmes. Dans son enfance, à vrai dire, la septuple championne de Maurice, 29 ans, ne s'imaginait même pas sur un vélo. « À Maurice, le vélo n'était pas du tout un sport connu. On était du genre à se dire, dans la famille, qu'un cycliste sur la route, ça dérange beaucoup ! » Et puis, via un ami, ses parents ont participé à un challenge cycliste - « le 100km » -, son frère est devenu coureur et a tenté sa chance en France chez les amateurs. Et comme Kim veut toujours imiter Olivier, elle a fait pareil. « Pour essayer de faire carrière, il faut vraiment partir de Maurice. Dans ma catégorie, je n'affrontais que des garçons. Et je me débrouillais pas mal, mais je voulais voir comment j'étais contre les filles. C'est pour ça que je suis allée en Afrique du Sud, en juniors. » Son nouveau pays de résidence est aussi celui du VTT, la discipline sur laquelle elle s'est longtemps focalisée après une première « expérience horrible » en Europe sur la route. Avec le soutien de son mari, comme elle le raconte, sa deuxième tentative fut couronnée d'un succès qu'elle n'attendait pas si grand. Hyper polyvalente, elle n'a pas encore cerné ses limites et rêve de gagner une étape pour son deuxième Tour.

Kim Le Court-Pienaar (AG Insurance-Soudal Team)
Née le 23 mars 1996 à Curepipe (Maurice)

Équipes successives :

  • 2015 : Matrix Fitness
  • 2016 : Bizkaia-Durango
  • Depuis 2024 : AG Insurance-Soudal Team

 Principaux résultats :

  • 2024 : 1ère de la 8e étape du Giro d'Italia / 10e de Paris-Roubaix Femmes avec Zwift
  • 2025 : 1ère de Liège-Bastogne-Liège Femmes / 1ère de la 1ère étape du Tour of Britain / 3e de l'UAE Tour / 5e du Tour des Flandres / 5e Milano-San Remo Donne / 6e de la Flèche Wallonne Femmes

Ses classements sur le Tour de France Femmes avec Zwift :

  • 2024 : 36e, 8e de la 1ère étape, 4e de la 4e étape

Signe particulier :

Avec un père mauricien et une mère écossaise, Kim Le Court-Pienaar a « grandi bilingue ». Elle parle donc couramment le français et l'anglais : « J'étais dans une école en français. Mais aujourd'hui, 98% de ma vie est en anglais. Parfois, en interview, j'ai du mal en français. » Mais c'est bien dans cette langue qu'elle nous a accordé cet entretien. Avec quelques rares incartades en anglais.

Mettons d'abord les choses au clair : est-il correct de vous appeler Kim Le Court ?
Je préfère Kim Le Court-Pienaar ! J'aime bien garder mon nom d'enfance et mettre à la fin mon nom de mariée. Mon nom d'enfance complet, c'est Le Court de Billot. Mais c'est trop long, donc on garde Le Court ! 

Vous avez aussi trois prénoms : Mary Patricia Kimberley !
Malheureusement, mes parents n'ont pas su choisir lequel, donc ils m'ont donné les trois (rires) ! Mais Kimberley est celui qu'ils ont gardé. Ça devrait d'ailleurs être le premier, je ne sais pas pourquoi c'est ordonné comme ça.

Mais tout le monde vous appelle Kim, n'est-ce pas ?
Oui, Kimberley, c'est trop formel.

Donc, Kim, vous faisiez du VTT avant de passer à la route, il y a deux ans, après un premier passage délicat en 2015 et 2016. Il paraît que votre mari a joué un rôle déterminant pour trouver une équipe.
Oui, c'est vrai. J'avais gagné les plus grosses courses par étapes de VTT et je commençais à un peu m'ennuyer. J'aime bien me challenger. On a discuté avec mon mari juste avant ma victoire au Swiss Épic, en août 2023. J'avais vécu une expérience horrible sur la route (en 2015 et 2016) qui m'a fait détester le sport. Mais l'évolution du vélo féminin m'a donné envie de revenir. Il m'a dit : "Essayons !" Mais moi, j'avais vraiment peur. Je n'avais aucun contact. J'avais vraiment peur de me faire rejeter et de prendre une grande claque. Ça me semblait très compliqué. Vraiment, je n'y croyais pas. Mais lui, il était vraiment convaincu qu'on me donnerait une chance, qu'il fallait au moins essayer. Il m'a dit : "Ne t'inquiète pas, je vais tout faire." Il a écrit un long mail qu'il a envoyé à toutes les équipes. Vraiment toutes. Les gros clubs, les Conti, les World Tour… Et il l'a fait partout, sur LinkedIn, Twitter, Instagram. Tout ce qu'il pouvait trouver, il envoyait des mails. Et si on n'avait pas de réponse, il renvoyait un autre mail, et un autre, jusqu'à ce qu'on les saoule vraiment. J'ai eu peur qu'ils nous prennent pour des malades, qu'ils nous détestent. Mais ça a marché ! 

« Les gens disent que la mentalité de l'athlète joue à 70%. Moi, je dis que c'est à 90%. »

AG Insurance-Soudal Team vous a donc ouvert ses portes. Mais rares sont les équipes à vous avoir répondu.
Je comprends pourquoi les équipes ne voulaient pas me donner une chance, je n'avais aucun résultat sur la route. C'est vraiment normal. J'ai été vraiment chanceuse de tomber sur Natascha den Ouden, la fondatrice de l'équipe, et son mari, qui cherchaient des talents en dehors du peloton actuel. AG Insurance donne des opportunités à des gens comme moi. lls ont la patience de te prendre et de vraiment t'aider. Donc, j'ai eu beaucoup de chance d'être en contact avec cette équipe. Et c'est mon mari qui a tout fait. C'est grâce à lui si je vous parle aujourd'hui !

C'est quand même vous qui pédalez !
Bien sûr, c'était à moi de faire le job. Mais il a ouvert la porte. Et sans ce support, quand tu es athlète de haut niveau, tu ne vas nulle part. Les gens disent que la mentalité de l'athlète joue à 70%. Moi, je dis que c'est à 90%.

Vous attendiez-vous à performer dès vos débuts, en 2024, et finir 10e de Paris-Roubaix Femmes avec Zwift ?
Non. Pas du tout. Vraiment, je m'attendais à être domestique. Je m'attendais à survivre tous les jours. Je ne savais même pas si je pouvais tenir dans le peloton. Je me rappelle avoir dit à mes coéquipières, lors du premier stage, en décembre 2023 : « Je suis excitée à l'idée d'être la meilleure équipière possible ! » Au Tour Down and Under, j'ai travaillé pour Ally Wollaston et Sarah Gigante. Et ça a bien marché (victoire de Gigante). Après la course, on m'a dit : « Wow, c'est ta première course World Tour et tu roules comme ça ! Tu n'as pas à t'inquiéter pour ton futur ». Je me suis dit, ok, s'ils le disent, ça doit être vrai. Sur la Cadel Evans Road Race, il n'y avait pas de leader, je fais 9e et je suis... super déçue. Car pour moi, venant du VTT, un Top 10, ce n'est pas bon. Tu peux te satisfaire d'un podium, mais il faut gagner, car on n'est que 40 au départ. Mais la route, ce n'est pas du tout la même mentalité, forcément ! Je l'ai compris vu la façon dont l'équipe s'est comportée. En fait, un Top 10 en World Tour, c'est quelque chose ! Aux Strade Bianche, je fais 25e. L'équipe est choquée, j'enchaine avec une 11e place au Trofeo Binda. Mais c'est au Tour des Flandres, où je finis 23e, que j'ai ressenti pour la première fois que j'étais vraiment à ma place. 

Pourquoi ?
Ma directrice sportive Jolien D'Hoore est une ancienne pro. Je l'admire, elle sait ce qu'il faut pour être la meilleure. Elle me dit à l'arrivée : « Kim, c'est quoi ce délire ? Où étais-tu durant toutes ces années ? C'est ton premier Tour des Flandres, la météo est horrible, finir la course serait déjà une performance. À la limite, tu peux accrocher un top 50. Mais un top 25, jamais ! Ce n'est pas possible de finir dans le groupe qui sprinte pour la 11e place. » Puis j'ai fini 10e de Paris-Roubaix, malgré un problème au poignet... C'est donc au fur et à mesure que j'ai pris confiance. Mais jamais je n'aurais pensé que j'allais gagner une étape sur le Giro. En plus, j'étais malade les deux jours précédents. Quand Jolien me dit : « tu peux être la meilleure », j'y crois. Mon mari me le dit aussi. C'est sympa, mais je pense qu'il dit ça parce qu'il m'aime ! Là, ce n'est pas pareil.

« Gagner une étape, c'est le rêve. Et puis, s'il y a quelque chose en plus, c'est un bonus. »

Gagner sur le Giro dès sa première année pro, ça parait fou.
Oui. D'autant que j'ai débuté 2024 sans véritable entraînement, sans préparation mentale, sans nutrition, sans rien. Je m'étais cassé le sacrum en 2023 et je n'ai eu le contrat que fin novembre. Donc, au premier stage, j'étais complètement hors de forme ! 2024 était vraiment une année de survie. Par contre, en 2025, je suis arrivée super préparée, en essayant de cocher toutes les cases possibles pour être au top. Je voulais voir si se préparer comme les meilleures faisait une différence. Et ça fait bien une différence.

Vos efforts ont été récompensés avec cette victoire sur Liège-Bastogne-Liège Femmes.
Déjà en février, je savais que ça allait être une bonne saison, sauf incident. Évidemment, il y avait San Remo et les Flandres, où je voulais essayer d'être sur le podium ou gagner. Mais Liège, c'était celle qui me correspondait le mieux, celle que je visais. J'y pensais depuis le Tour de France, l'an dernier, après cette 4e étape qui arrivait à Liège.

Vous y avez terminé 4e.
Oui. Dans le bus, Jolien me dit : « Waouh, Kim, incroyable, l'année prochaine, on revient et tu vas gagner Liège ». C'était vraiment dans ma tête depuis très longtemps. Et c'est vraiment spécial d'avoir pu atteindre cet objectif.

Vous donnez l'impression de ne pas avoir de limite. Gagner le Tour, un jour, fait-il partie de vos nouvelles espérances ?
En général, les coureuses ont des buts spécifiques. Mais moi, je veux tout gagner. J'ai tellement faim que je veux goûter à tout. L'an passé, j'étais super pendant les cinq premières étapes alors que j'avais le covid, ce qu'on a su qu'après. Je préfère viser "step by step" sur le Tour. Le premier but sera de gagner une étape, c'est le rêve. Et puis, s'il y a quelque chose en plus, c'est un bonus. 

La haute montagne demeure votre dernière inconnue. Mais votre 3e place à Jebel Hafeet, sur l'UAE Tour, est déjà un bon indicateur.
Oui, la façon dont j'ai pu grimper ce jour-là m'a vraiment choquée, car j'étais encore loin de mon meilleur niveau. Sur le Tour, je serai à un niveau complètement différent. Donc ça sera intéressant. Je n'ai pas vraiment fait des grosses montagnes contre les meilleures. Si tout se passe bien, je pense pouvoir me débrouiller. Mais ça reste à voir !