Sur la quatrième édition du Tour de France Femmes avec Zwift, les regards et les caméras seront essentiellement braqués vers une poignée de championnes que le destin appelle sur le podium final ou qui l’ont déjà fréquenté. Derrière les Vollering, Niewiadoma, Lopecky, Van der Breggen ou Ferrand-Prévot, de nombreuses coureuses ont déjà commencé à percer en allant chercher des résultats remarqués par les spécialistes comme par les rivales avec qui elles auront à livrer bataille cet été. Elles ne seront pas nécessairement en jaune cette année, mais le site officiel du Tour propose de découvrir quatre femmes en pleine ascension vers les sommets, à de stades divers de leur progression, pourquoi pas capables de briller ponctuellement ou durablement entre la Bretagne et les Alpes. La Française Dilyxine Miermont, la Néerlandaise Puck Pieterse, la Mauricienne Kim Le Court et la Néo-Zélandaise Ally Wollaston ne comptent pas faire de la figuration.
Dilyxine Miermont : « J'ai envie de me tester »
Dilyxine Miermont, 25 ans, se prépare à disputer son 3e Tour de France Femmes avec Zwift consécutif, cette fois-ci pour le compte de la formation Ceratizit. La Française compte bien jouer un rôle en montagne et s'annonce particulièrement motivée pour le premier rendez-vous escarpé : la 6e étape fait le trait d'union entre sa ville de résidence (Clermont-Ferrand) et celle du club où elle est licenciée (Ambert). « Je l'avais rejoint en 2018, quand j'étais junior, car ils avaient un groupe de filles. Je me disais que ça pouvait être pas mal pour mon développement. Et cela a bien fonctionné ! » L'Auvergnate n'a ensuite rejoint le monde professionnel qu'en 2023, quelques mois après avoir validé un BTS Notariat. « J'avais commencé une licence pro dans la banque pour faire de la gestion patrimoine. J'étais en alternance, mais comme j'ai obtenu un contrat pour passer pro, mon patron et l'école m'ont dit que ça allait être compliqué. Ils ont ajouté que je ferais mieux de me concentrer sur mon projet sportif et qu'il sera toujours temps de revenir après ! ». Elle ne compte pas revenir de sitôt car sa carrière a franchement décollé depuis. Avant de partir en stage à Tignes, elle a signé son premier Top 10 sur une course par étapes World Tour (10e de l'Itzulia Women). Un nouveau cap de franchi. Et sans doute pas le dernier.
Dilyxine Miermont (Ceratizit Pro Cycling Team)
Née le 16 mai 2000 à Aurillac (France)
Équipes successives :
- 2023 et 2024 : St Michel-Mavic-Auber93
- 2025 : Ceratizit Pro Cycling Team
Principaux résultats :
- 2022 : Vice-championne de France espoirs
- 2023 : 4e de l'Alpes Grésivaudan Classic / 12e du CIC-Tour Féminin International des Pyrénées / 13e de l'UAE Tour Women
- 2024 : 11e de l'UAE Tour Women / 13e du Tour Cycliste Féminin International de l'Ardèche / 16e du Tour of Britain Women
- 2025 : Vainqueure du Grand Prix Presidente / 7e du Tour of Norway / 8e de la Cadel Evans Great Ocean Road Race / 10e de l'Itzulia Women
Ses classements sur le Tour de France Femmes avec Zwift :
- 2024 : non partante étape 3
- 2023 : 64e
Signe particulier :
Dilyxine est un prénom bien singulier. Et pour cause : « Mes parents l'ont inventé ! Je ne sais pas d’où vient leur inspiration » sourit celle qui a grandi à Rilhac-Xaintrie, un village corrézien de 300 âmes, à la frontière du Cantal, où ses géniteurs travaillent dans une laiterie-fromagerie. « Ils font de tout, du cantal, du saint-nectaire, plein de fromages ! »
Vous avez débuté chez les pros en 2023, à 23 ans. Vu les nouveaux standards du cyclisme féminin, cela paraît relativement tard, aujourd'hui.
C'est vrai, je ne suis pas passée directement après les juniors comme certaines. Mais je pense que ce n'est pas un problème. Chez les hommes, on discerne les talents quand ils sont vraiment jeunes. Mais chez les femmes, je pense que le pic de forme arrive plus tard. Si vous regardez les filles sur le devant de la scène, elles ont toutes entre 28 et 32 ans.
Comment expliquer ce décalage de maturité entre les hommes et les femmes ?
Je pense qu'on met plus de temps à se développer musculairement. C'est la principale cause, dans le sens où il nous faut plusieurs saisons pour bien encaisser les charges. Mais c'est vrai que j'ai pris un plus de temps à me développer par rapport à certaines. J'ai voulu y aller step-by-step et faire les choses dans l'ordre. En sortant de juniors, je n'avais pas l'opportunité de passer pro. J'ai continué en DN (Division Nationale, en amateurs), je faisais mes études à côté (deux ans en STAPS avant de bifurquer vers un BTS Notariat) et ce petit train-train m'allait bien. Puis je me suis dit, pourquoi pas… Mais il faut savoir qu'en 2018, ce n'était pas aussi professionnel que maintenant. Je ne me projetais pas spécialement vers le cyclisme pro ! Il fallait surtout penser aux études, car le cyclisme féminin au niveau pro, on ne savait pas vraiment comment ça allait tourner.
« La montagne, c'est le terrain où je suis le plus à l'aise »
À quel moment, alors, avez-vous songé à faire carrière ?
En 2022. J'ai voulu mettre toutes les chances de mon côté pour passer pro.
Et c'est ce que vous avez réussi à faire en intégrant l'année suivante St Michel-Mavic-Auber 93... Très vite, vous avez montré vos qualités de grimpeuse, avec une 15e place au sommet de Jebel Hafeet sur l'UAE Tour. C'est le premier déclic ?
Oui. Pour une première année, j'étais satisfaite de ce résultat. Je voulais me découvrir, voir où j'en étais et en apprendre plus sur moi. Ça m'a permis de m'ouvrir des portes, à me dire que j'étais plus grimpeuse que puncheuse. C'est vrai que la montagne, c'est le terrain où je suis le plus à l'aise, bien plus que sur le plat ou sur des courses en Belgique (rires) !
Dès votre première saison pro, vous découvrez le Tour, qui s'élançait depuis Clermont-Ferrand… votre ville de résidence.
Ça a été à la fois génial et super compliqué ! Un premier Tour, forcément, on ne sait pas dans quoi on se lance. C'est une grosse pression. Et avec les médias, c'était une pression fois 10 ! Ça a été dur de tout gérer.
Vous avez fini 55e au Tourmalet, un résultat loin de vos espérances.
Oui, la pression m'a pris toute mon énergie ! Le premier jour, quand je suis arrivée sur la ligne, je me suis dit : « ah mais là, je suis vidée, je ne peux plus rien faire, ça va être dur de faire huit étapes comme ça ! » J'ai chuté le deuxième jour, ça m'a bien mis dans le mal aussi. C'était donc un Tour en dedans. Mais j'étais quand même contente de le terminer pour ma première année pro.
Vos résultats à Jebel Hafeet semblent un marqueur fidèle de votre progression. Vous y avez fini 15e en 2023, 12e en 2024 et 7e cette année, devant toutes les championnes françaises (Ferrand-Prévot, Labous, Kerbaol…)
Oui, c'est une montée que j'aime bien ! C'est le type d'effort qui me correspond. Entre 30 à 40 minutes, c'est ce qui me va le mieux.
Plus c'est long, mieux c'est pour vous ?
Oui et non, car il ne faut pas que ce soit trop long non plus ! Je n'ai encore jamais eu l'occasion de me tester sur des longs cols en course. Mais je sais que Jebel Hafeet, je l'aime bien ! En février dernier, j'étais contente, satisfaite de ma montée. Mais j'étais quand même un petit peu déçue car j'avais perdu du temps la veille (lors d'une journée à bordures). Ça m'a privé d'un bon classement général (29e). Je m'étais quand même remise en question dans le sens où c'est dommage de faire une belle montée et d'avoir un mauvais général. C'était tout de même de bon augure pour la suite.
À cet égard, sur le Tour, l'ascension de la Madeleine vous paraît-elle un peu longue pour vos capacités ?
Il faudra voir ! Là je suis à Tignes (en stage, durant trois semaines en juin), je fais des longs cols, ça me servira forcément pour la suite. Mais en course, c'est toujours différent !
Sur le plan des résultats, votre saison 2024 a été moins bonne qu'en 2023.
Oui, j'ai subi énormément de chutes. J'ai eu un oedème osseux au genou, puis je me suis cassée mes deux poignets, scaphoïde à gauche et ligaments à droite sur une même chute au Tour de Grande-Bretagne. Je suis revenue sur le Tour. Et là je me suis cassée le coude (chute sur la 2e étape). J'avais déjà eu une saison marquée par les chutes. Là, c'était celle de trop ! Mais j'ai essayé de garder le moral pour la fin de saison.
« J'ai encore envie de me laisser le temps de grandir »
Malgré tout, vous avez pu rejoindre la formation allemande Ceratizit et le World Tour à l'issue de cette saison-là. Accéder à ce niveau, c'était nécessaire pour continuer à progresser ?
Oui, j'avais envie de rejoindre le niveau World Tour car on a accès à plus de courses qu'en Conti. Et j'avais envie de me tester à ce niveau-là. Ils sont venus vers moi en mars. Le feeling était bon, et voilà !
Les classements généraux, c'est le domaine où vous voulez briller, dans le futur et dès à présent ?
Oui. J'aimerais faire des bons classements. Mais je suis encore jeune. Ce n'est que ma 3e année, j'ai encore envie de me laisser le temps de grandir, de progresser, de voir jusqu'où je peux aller.
Et où vous situez-vous dans la hiérarchie des grimpeuses ? Prenons la montée de la Madeleine.
Honnêtement, je ne sais pas trop ! Le Tour, c'est dur, tout peut se passer, tout le monde est à son top niveau. Je n'ai pas trop envie de me projeter et de me dire : « il faut absolument que je fasse ça ! » Mais oui, je veux faire un bon Tour de France avec un bon résultat à la clé.
Vous avez connu un contretemps en chutant aux Strade Bianche…
Oui, on m'a annoncé une fracture du coude. Mais en rentrant à Clermont, j'ai vérifié et ce n'était pas une fracture mais une luxation acromio-claviculaire. J'ai dû me reposer mais tout est vite rentré dans l'ordre. Pour ma reprise, au Salvador, j'ai pu remporter ma première victoire chez les pros. Ça fait du bien mentalement et ça rassure physiquement !
Votre forme est montée crescendo car, après les Ardennaises (38e de la Flèche, 34e à Liège), vous avez enchaîné deux beaux résultats sur l'Itzulia Women (10e) et le Tour of Norway (7e).
J'étais un peu malade sur la fin de l'Itzulia, jusqu'en Norvège. Mais physiquement, j'étais quand même assez bien, ça m'a sauvé. Je me dis que c'est de bon augure !
Que vous manque-t-il aujourd'hui pour franchir un nouveau cap et vous battre avec les meilleures ?
Je pense qu'il me manque encore un peu d'expérience et quelques années dans le peloton pour prendre plus de force. J'ai une marge de progression sur plusieurs points, je peux encore augmenter mes charges. Et comme tout le monde, on rêve de gagner des courses à plus ou moins long terme !