LES CANDIDATURES 2024 DU LABEL "VILLE À VÉLO" SONT OUVERTES

Juliette Labous : « Je sens la pression monter »

Grand espoir du cyclisme français depuis la catégorie juniors, Juliette Labous se hisse chaque année un peu plus haut dans la hiérarchie des meilleures grimpeuses. À 23 ans, elle porte sur ses épaules les principaux espoirs tricolores d’un bon classement général, à condition bien sûr d’être sélectionnée par son équipe DSM, ce qui ne fait guère de doutes. Elle se sent prête à viser le Top 5 sur ce premier Tour de France Femmes avec Zwift, un an après sa 7e place sur le Giro. La Bisontine vient d’ailleurs de faire le plein de confiance en remportant, mi-mai, sa première course World Tour, le Tour de Burgos, juste avant son stage en altitude à Tignes (25 mai au 15 juin).

  Vous êtes née à Besançon et avez toujours vécu dans ses environs. Pour autant, Labous est un patronyme breton (bien prononcer le S) et c’est dans le Finistère, à Kerlouan, que votre frère vous a appris à faire du vélo, sur la terrasse en pavés d’un gîte.

Oui, je devais avoir 3 ans. Je me rappelle être tombée dans un pot de fleurs ! Il y a eu quelques chutes, mais ensuite c’était parti et je n’ai jamais arrêté depuis. On passait une semaine chaque été dans le Finistère. Mon grand-père paternel y est originaire. Mais sinon, je suis vraiment franc-comtoise !  

Vous avez une sœur, de dix ans votre aîné, et donc un frère, qui a cinq ans de plus. C’est par lui qu’est venue la passion du vélo.

Oui, Quentin m’a donné envie d’en faire. Je le suivais partout, il était mon modèle ! Il a commencé par du BMX, je l’ai suivi. Pareil pour le VTT puis pour la route. De leur côté, nos parents nous soutenaient, mais sans jamais nous pousser. Un jour, ils ont tout de même fait venir des camions pour déposer de la terre. Tout ça pour transformer notre jardin en mini-piste de BMX !  

Votre frère a arrêté ses études à 18 ans pour se donner une chance de passer pro.

Oui, l'école ne lui convenait plus, il n'était pas fait pour le modèle scolaire. C'était le moment ou jamais. Ça n'a pas marché mais ça aurait pu.   En y parvenant de votre côté, avez-vous l’impression d’avoir réalisé un rêve pour deux ?

Un petit peu. Oui et non… En tout cas, mon frère m'a beaucoup appris. Il m’a toujours donné les bons conseils. Lui n'a pas eu la chance de rencontrer les bonnes personnes et que tout s'enchaîne bien, ce qui a été mon cas.  

Vous avez été formée au pôle espoirs de Besançon, sous la coupe de Matthieu Nadal, avant d’intégrer le monde professionnel dès la sortie des juniors, chez votre équipe actuelle. Était-ce la toute première à vous avoir contactée ?

Oui. Elle l’a fait après les Mondiaux de Richmond, quand j’étais J1. Le directeur sportif de l’équipe m’avait contactée sur facebook. Au début, je ne savais pas si c’était un vrai ! Il m’a fait faire des stages en début de J2 et la relation a évolué naturellement. Chaque année, ils prenaient des jeunes pour le “Talent Days”, un stage de détection. Ça s’était vachement bien passé, et j’avais gagné dans la foulée une étape à Albstadt, en Coupe des Nations. C’est après ça qu’ils m’ont dit : ”Tu es la bienvenue dans l’équipe !”. J’avais été contactée par la FDJ, mais c’était alors déjà quasiment signé avec Liv-Plantur (l’ancien nom de Sunweb et DSM). Elle me donnait envie car c’était une équipe étrangère et j’avais ce désir de découvrir la culture hollandaise du vélo. C’était un rêve, la question ne s’est pas trop posée.

A l’époque, Marianne Vos vous inspirait particulièrement.

Car elle gagnait tout ! Le cyclisme féminin n’était pas énormément médiatisé à l’époque. Le peu de courses qu’on voyait, c’était elle ou Pauline Ferrand-Prévot. Julie Bresset m’a aussi inspirée, avec son titre olympique à Londres (en VTT). Sinon, plus jeune, j’avais mes propres idoles en BMX, à l’image de Laetitia le Corguillé. J’avais pris une photo avec elle quand j’étais toute petite. J’ai fini par revoir Laetitia, il y a 2 ans lors d’un séminaire à Dijon. On a refait une photo, on a bien rigolé, et j’ai appris qu’elle avait appelé sa fille Juliette !  

Durant votre enfance, parveniez-vous à vous identifier aux coureurs messieurs en regardant le Tour ?

Non, pas franchement. J’aimais bien regarder, mais puisqu’il n’y avait pas de filles, je ne pouvais pas me dire que j’avais envie de le faire. C’est comme le fait de devenir professionnelle, l’idée n’est venue que tardivement. Mais j’allais voir le Tour quand il passait chez moi, c’est arrivé 2 ou 3 fois. Je me souviens du chrono de Besançon en 2012. On était allé rouler la veille pour essayer de croiser des pros ! Ça m’avait marqué. Il y a un autre truc aussi : lors d’un stage avec le comité de Franche-Comté, Sandrine Guironnet nous avait emmené voir la Route de France à Arc-et-Senans… j’en ai récemment reparlé à Evita Muzic, car elle était là aussi. Ça m'avait vraiment motivée, de voir toutes ces équipes féminines. J’avais l’impression qu’elles étaient pros, même si à l’époque ce n’était pas franchement le cas.  

Vous serez la meilleure chance française pour le classement général, avec l’objectif de viser un top 5. Comment appréhendez-vous cette pression qui va vous entourer, à un mois du départ ?

Je la sens qui commence à monter. On m’en parle un peu plus, du grand public à mon entourage. Mais je pense être prête à l’appréhender. L’an passé, j’étais la seule représentante aux JO et j’avais déjà eu pas mal de pression. Généralement, ce n’est pas quelque chose qui me freine. Ça ne me fait pas trop peur.  

Avez-vous pu discuter de cela avec Romain Bardet, qui a longtemps connu ce rôle et court également chez DSM depuis l’an passé ?

Non, mais c’est vrai qu’il y aurait de quoi causer ! Ça nous arrive d’échanger. C’était compliqué l’an passé à cause du covid et des bulles à respecter. Mais lors du dernier rassemblement avec l’équipe messieurs, on a bien discuté avec tous les Français, y compris les nouveaux, Romain Combaud et Léa Curinier.  

Avez-vous une idée de ce que vos proches vous réservent pour les deux étapes dans les Vosges ? La Planche des Belles Filles n’est qu’à 100 kilomètres de Besançon…

Non mais je pense qu’il y aura pas mal de monde ! Ça va être quelque chose de particulier…  

Avez-vous un fan club ? Non, pas officiellement !  

Mais vous pourrez compter sur le soutien de vos parents. Votre frère nous a dit qu’ils affirment ne vouloir suivre que quelques étapes. Mais il pense qu’ils mentent et feront en réalité la totalité !

Ce n’est pas impossible ! Je ne pense pas qu’ils seront là à Paris, c’est quand même un peu compliqué, ne serait-ce que logistiquement. Mais à mon avis, ils auront trop envie de venir après avoir regardé une étape ou deux à la télé. D’ailleurs, ils ont déjà dévié de leur plan initial ! Au début, ils parlaient seulement des 3 dernières étapes. Puis là, ils commencent à dire qu’ils pourraient venir donner un coup de main à l’équipe sur les chemins blancs de la 4e étape !