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Marta Cavalli : « J’ai pris confiance en moi »

C’est la révélation du printemps. Lauréate de l’Amstel Gold Race en piégeant les favorites avant la flamme rouge puis de la Flèche Wallonne en se montrant la plus forte dans le Mur de Huy, Marta Cavalli a changé de dimension à l’occasion des Ardennaises. Désormais sûre de sa force, la n°6 mondiale a confirmé début juin par un nouveau succès au sommet du géant de Provence, terme du Mont Ventoux Dénivelé Challenge. L’Italienne de 23 ans est désormais crainte de toutes. Elle rêve pour cet été du maillot rose sur le Giro et souhaite, pour le Tour de France Femmes avec Zwift, épauler au mieux sa coéquipière Cecilie Uttrup Ludwig dans sa quête du classement général.

  Pendant votre montée du Ventoux, on vous a vu jeter un regard à la stèle Tom Simpson. Que signifie pour vous cette victoire sur ces pentes chargées d’histoire ?

C’est une nouvelle marche gravie pour le cyclisme féminin. On est entré dans une nouvelle dimension, c’était un grand sentiment d’arriver la première au sommet d’un monument du cyclisme. Il y avait beaucoup de gens sur le bord de la route. C’était une belle journée pour nous.  

Vous êtes née à Crémone, en Lombardie. Est-ce là-bas que vous avez grandi ?

Oui et j’y vis toujours ! Je ne pars de la maison que pour les courses. Je sais que ce n’est pas l’endroit parfait pour s’entraîner. C’est très plat, l’hiver est froid, il y a du brouillard … Mais j’aime ça ! Je n’ai pas envie de bouger pour l’instant.  

Vous vivez toujours chez vos parents ?

Oui, on vit ensemble.  

Comme Alberto Bettiol, lorsqu’il a remporté le Tour des Flandres, en 2019.

Bien sûr, c’est parfois sympa d’avoir son indépendance. Mais c’est bon de ne pas être toute seule à la maison et d’avoir quelqu’un pour t’aider, surtout lorsque l’on voyage toute l’année. Mais je suis encore jeune. J’y penserai sans doute dans le futur, mais pas dans l’immédiat !  

Le cyclisme est arrivé dans votre vie par l’intermédiaire de votre père.

Oui, mais cela vient aussi de mon grand-père, qui adorait ce sport. Il dirigeait une équipe de jeunes, il y a une cinquantaine d’années, et mon père a couru chez les amateurs. Dès mes 2-3 ans, j’allais le voir courir tous les dimanches avec ma mère. J’avais toujours des vélos près de moi. Je pense que cela a fait la différence !  

« Jai tout de suite su que c’était le sport quil me fallait. Et aujourdhui cest mon travail ! »   A quel âge avez-vous débuté ?

A 11 ans. J’ai un peu attendu ! J’ai d’abord fait de la gym artistique et du volley-ball, entre autres. J’ai fini par dire à mes parents que je voulais essayer. Il y avait une petite équipe de jeunes près de Cremona. J’ai tout de suite su que c’était le sport qu’il me fallait. Et aujourd’hui c’est mon travail !  

Qu’est-ce qui vous a motivé à vous y mettre, à 11 ans ?

Parce qu’il s’agissait d’un sport individuel, peut-être. J’avais envie de montrer toute ma détermination et ma force dans un sport individuel. Au bout du compte, j’ai appris que ça ne se résumait pas à ça. Par exemple, au Ventoux, ce n’était pas que ma victoire, mais bien celle de toute l’équipe.  

Quel est votre premier souvenir du Tour ? L’un des tous premiers est Chris Froome… courant à pied sur le Ventoux.   

Y avez-vous songé pendant votre course ? Oui un peu ! La veille, j’avais cherché des vidéos du Ventoux, pour essayer de mémoriser les virages, et je suis aussi tombé sur celle-ci.

Durant votre jeunesse, aviez-vous l’habitude d’aller voir le Giro, ou d’autres courses, au bord de la route ?

Oui. Et encore aujourd’hui, car j’aime toujours ça ! En 2013, la dernière étape du Giro féminin était un chrono qui se terminait à Cremona. J’y suis allé avec mon père et j’ai pris une photo avec Marianne Vos. Je la regarde parfois et me dis : « J’étais jeune, je ne connaissais rien au cyclisme féminin et maintenant je cours avec Marianne ! »  

Aviez-vous une idole  ? Oui, Mark Cavendish. Une fois les sprints du Giro terminés, je prenais mon vélo pour essayer de l’imiter sur la route ! C’est peut-être l’une des raisons qui m’a poussé à faire du vélo.  

Était-ce un rêve de devenir coureuse professionnelle ?

Non, je n’y pensais pas vraiment. C’est venu naturellement, année après année. Quand j’y repense, je me demande bien comment j’ai fini par y arriver !  

Un autre métier vous faisait-il envie ?

Non, pas que je me souvienne.  

Quelles ont été vos études ?

J’étais dans un cursus scientifique au lycée. J’ai essayé l’université mais c’était dur de concilier avec le vélo. J’ai dû arrêter. Mais je pense que j’y retournerai dans le futur, car j’aime étudier. Pour le moment, j’ai pris la décision de mettre toute mon énergie dans le cyclisme.  

Qu’est-ce que cela change pour vous, de savoir que vous pouvez battre n’importe qui sur une course aussi dure que la Flèche Wallonne ?

Beaucoup de choses. Avant, je n’étais jamais sûre de moi-même et cette incertitude me pompait beaucoup d’énergie. Maintenant, je sais que je peux le faire. Et les personnes autour de moi aussi. On me fait confiance. C’est une toute nouvelle dimension. Mais d’un autre côté, rien n’a changé dans ma vie. Je suis toujours dans la même équipe, je veux aller dans la même direction. J’ai simplement pris confiance en moi.  

Cela change-t-il vos perspectives pour le Tour de France ? Le plan est-il toujours de soutenir Cecilie Uttrup Ludwig ou aurez-vous votre propre carte?

Non, c’est toujours le même plan de route. J’irai sur le Giro pour le général. Et je soutiendrai Ludwig sur le Tour. Nous avons reconnu les trois dernières étapes, je les ai bien aimées ! Nous aurons des cartes à jouer et je suis sûr que ce sera une belle expérience. L’équipe est motivée, nous avons déjà beaucoup gagné. Nous irons au Tour avec détermination.   

Que serait un Tour réussi ?

Si l’on peut porter le maillot jaune ne serait-ce qu’une journée, ce serait déjà très bien. Mais on veut aussi faire des étincelles, offrir un show pour les gens et le cyclisme.  

La piste a été votre porte d’entrée vers le haut-niveau. La pratiquez-vous toujours ? Pas vraiment. A l’entrainement parfois, car c’est un bon exercice et ça fait du bien à la tête. Mais ayant pris la direction de m’améliorer en montagne, ce ne serait pas malin de combiner à nouveau route et piste. Auparavant (jusqu’en 2020), j’ai beaucoup couru avec l’équipe nationale. La piste m’a permis de comprendre quels types d’efforts sont faits pour moi. J’y ai forgé des qualités techniques. Sur la piste, on est toujours à fond et il faut prendre les décisions rapidement. Ça me sert pour la route. Je suis en confiance quand la vitesse est élevée et dans les descentes. Cela m’a aidé à devenir une cycliste complète.