Et le Tour change la vie (II/VI)

L’élite mondiale du cyclisme a connu l’été dernier une petite révolution avec la première édition du Tour de France Femmes avec Zwift, qui est immédiatement devenu l’échéance structurante de la saison. Alors que l’horizon de la deuxième édition se profile, six coureuses témoignent de leur expérience de juillet dernier.

Mavi Garcia : « C’est encore plus grand que ce qu’on imaginait »  
La première édition du Tour de France Femmes avec Zwift a laissé une sensation « aigre-douce » à Mavi Garcia. La numéro 1 espagnole a immédiatement été transportée par l’événement, qu’elle abordait avec de grandes ambitions après un nouveau doublé dans ses championnats nationaux (course en ligne et contre-la-montre) et une 3e place au classement général du Giro, où elle rivalisait avec Annemiek van Vleuten et Marta Cavalli dans les ascensions italiennes. Une série d’incidents, et notamment un accrochage avec la voiture de son équipe, ont frustré Garcia sur les routes françaises. L’Espagnole a fait parler son abnégation pour finir l’épreuve avec le prix de la combativité lors de la dernière étape, en direction de la Planche-des-Belles-Filles, et la 10e place au classement général. À 39 ans, elle rêve d’effacer sa déception et de briller dans les Pyrénées, où les supporters espagnols sont attendus pour escorter les dernières batailles du Tour 2023.

Margarita Victoria García Cañellas (Liv Racing Teqfind)
Née le 2 janvier 1984 à Marratxi (Espagne)

Équipes successives

  • 2015-2017 : Bizkaia Durango
  • 2018-2019 : Movistar
  • 2020-2022 : Alé BTC Ljubljana / UAE Team ADQ
  • 2023 : Liv Racing Teqfind

Principaux résultats

  • 2016 : championne d’Espagne, Vuelta a Burgos Feminas
  • 2018 : championne d’Espagne du contre-la-montre, 2e du Tour cycliste féminin international de l'Ardèche
  • 2019 : 2e du Tour du Yorkshire, 5e de la WWT Emakumeen Bira
  • 2020 : championne d’Espagne (course en ligne et contre-la-montre), 2e des Strade Bianche Donne et du Tour cycliste féminin international de l'Ardèche
  • 2021 : championne d’Espagne (course en ligne et contre-la-montre), Giro dell’Emilia, 2e du Tour cycliste féminin international de l'Ardèche, 5e de la Flèche Wallonne Femmes
  • 2022 : championne d’Espagne (course en ligne et contre-la-montre), Classic Lorient Agglomération - Trophée Ceratizit, 3e du Giro d’Italia Donne, 5e de la Flèche Wallonne Femmes 2023 : 4e de la Flèche Wallonne Femmes

Signe particulier : Avant de se tourner vers les sports d’endurance avec son frère Luis, elle était un grand espoir du patinage artistique espagnol. Elle s’est ensuite essayée au duathlon, discipline où elle a décroché un titre mondial en 2016, au moment où elle faisait ses débuts tardifs dans les pelotons professionnels.

Qu'avez-vous adapté dans votre préparation pour le Tour de France Femmes avec Zwift 2023 ?
Je veux faire à peu près la même chose que l'an dernier. Je suis en Sierra Nevada pour préparer la deuxième partie de la saison, avec le Giro et le Tour, qui sont les courses les plus importantes pour moi et pour l'équipe. Je travaille les efforts plus longs, j'ai aussi travaillé ma position sur le vélo de chrono en vue du Tour. L'an dernier, je ne savais pas si j'allais pouvoir tenir, parce que j'étais déjà en très bonne condition sur le Giro, où j'avais fini 3e. Mais j'ai eu d'excellentes sensations sur le Tour, jusqu'à mon accident avec la voiture de l'équipe (4e étape). Ça a compliqué les choses, j'ai pu conserver une 10e place… J'aurais aimé faire mieux. Mais je pense que la préparation était la bonne. Donc je vais rester en altitude jusqu'au 21 juin, puis j'irai à Madrid pour les championnats d'Espagne et j'enchainerai sur le Giro avant le Tour.  

Et il vous restait encore de bonnes jambes pour gagner la Classic Lorient Agglomération - Trophée Ceratizit au mois d'août...
Le jour où je suis tombée sur le Tour, je me sentais vraiment forte. Et je pense que ma victoire en Bretagne vient de là. Je gardais en moi cette idée que je n'avais pas pu faire ce que j'espérais. Normalement, je ne suis pas une personne animée par la rage, je ne suis pas une coureuse qui se transcende avec ses émotions. Mais je suis partie à Plouay avec une idée précise en tête. Je me disais : ‘’Je dois gagner, je dois faire quelque chose de bien après tous ces efforts.’’ Et ça s'est passé comme ça.  

« Il faut être prête à tout »

Qu'est-ce que vous vous dîtes avant le prochain Tour ?
(Elle rit) Je ne sais pas. Je me concentre sur chaque journée. En ce moment, je travaille très dur, et ensuite on verra, je veux faire de mon mieux possible. Parfois, ça tourne bien, d’autres fois non. Il faut être prête à tout. Mais il est sûr que je suis très concentrée sur cet objectif et j’aimerais bien faire.  

Comment avez-vous vécu l'événement que représentait le Tour de France Femmes avec Zwift 2022 ?
Pour moi, le résultat fut aigre-doux. Le Tour a été quelque chose de vraiment spécial pour nous toutes. On savait que ce serait quelque chose de très grand, que ce ne serait pas comme les autres courses, mais une fois qu'on y était, ça a dépassé ce qu'on imaginait. Dès le premier jour, j'étais impressionnée : le départ devant la Tour Eiffel, tous les médias qui étaient présents... Sur toutes les courses, il y a de plus en plus de monde, de plus en plus de répercussions, mais le Tour a eu un impact très fort sur nous, au moins pour moi et pour les filles qui étaient avec moi dans l'équipe. Et à titre personnel, c'était doux-amer, parce que ça aurait pu être formidable mais le résultat est resté moyen. Mais de façon générale, j'étais très contente de faire partie de l'histoire et de participer à ce nouveau Tour féminin.  

« Toutes les meilleures sont là, et elles sont à leur tout meilleur niveau »   Quel niveau sportif avez-vous trouvé sur le Tour ?
Bon, sur toutes les courses World Tour, il y a beaucoup de filles avec un très bon niveau. Mais il faut dire que sur le Tour ça atteint un point où absolument toutes les meilleures sont là, et elles sont à leur tout meilleur niveau. Je pense que toutes les filles veulent faire un bon résultat sur le Tour et c'est un objectif pour toutes les équipes, de par l'exposition de cette course. C'est déjà un événement très important, je pense que c'est le plus important dans le calendrier féminin, et donc le niveau est très élevé. Et en plus de ça, le niveau augmente tous les jours, tous les ans, sur toutes les courses. Il y a plus de coureuses, plus d'équipes, plus de compétition. Tout cela amène le cyclisme féminin à se développer.  

Vous avez connu une trajectoire distincte, en faisant vos débuts professionnels à 31 ans. Quelle coureuse êtes-vous ?
Jusqu’à il n’y pas si longtemps, j’avais du mal moi-même à définir mes qualités précisément. Je me disais que les longues ascensions m’allaient bien, mais je n'avais pas eu beaucoup d'occasions de l'éprouver, et je n'avais pas non plus abouti mon travail sur les efforts plus courts... Aujourd’hui, je pense qu’une de mes vertus est d’avoir beaucoup de résistance. Si une course est difficile du début à la fin, ça me correspond mieux qu’une épreuve plus tranquille avant un final explosif. C’est toujours mieux pour moi quand il y a de l’usure, avec un peu de chance, il me restera plus de force dans le final. Je ne suis évidemment pas une sprinteuse mais j'ai amélioré ma pointe de vitesse en petit comité. De manière générale, je préfère les courses montagneuses, mais avec plusieurs ascensions.  

Il y a de quoi vous satisfaire sur les routes du Tour de France Femmes avec Zwift... Oui, mais quand même, le Tourmalet est un peu long et difficile à mon goût ! Je suis une bonne coureuse, la montagne me va bien, mais je suis assez grande. Ce genre de montées correspond bien aux filles qui sont petites et fines. Mais je vais tout donner et j'espère que ça se passera bien.  

Et vous serez tout près de la frontière. Vous attendez ce rendez-vous avec le public espagnol ?
Oui, c'est sûr ! Il y a de plus en plus de monde qui vient sur les courses. En Espagne, on voit plus de supporters et au mois de mai on a eu la Vuelta, qui a aussi voulu faire un événement plus important à l’image de ce que font le Tour et d'autres épreuves. Il y avait énormément de monde. C'est toujours très sympa quand tu cours et que tu entends des gens crier ton nom.